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Mémona Hintermann a écrit une chronique intitulée "Sans filtre" intitulée "Israël-Gaza, le piège mortel"


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    l'essentiel Sans filtre, la chronique de Mémona Hintermann, grand reporter, ancienne membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

    En France, parler du conflit israélo-palestinien est impossible sans être relégué dans un camp ou l’autre, sans être accusé d’être pro-israélien ou pro-palestinien. Aucune chance de faire valoir des faits, des arguments, sans être suspecté de parti pris, comme si le Proche-Orient était condamné à une défaite de la raison. Les reporters envoyés sur cette zone en constante ébullition depuis des décennies savent qu’ils marchent constamment sur des œufs.

    Pendant plus de 20 ans d’affilée, j’ai sillonné la région avec différentes équipes de reportage pour France 3. La guerre à Gaza en décembre 2012 fut ma dernière mission avant ma nomination au CSA en janvier. Des inspirantes collines de Galilée à la frontière libanaise, jusqu’aux sables de la Mer Rouge à Eilat, de Saint-Jean d’Acre jusqu’au Jourdain, de Jérusalem à Jénine, d’Ashkelon à Rafat en passant par la forteresse d’Erez jouxtant le no man’s land devant Gaza, année après année, nous avons filmé des évènements, enregistré des témoignages de dirigeants et de « gens » des « deux côtés ». Révoltes – Intifada – attentats, élections, crises politiques, commémorations de la création de l’État d’Israël, sans compter plusieurs guerres… une matière inépuisable pour aller chez les uns, chez les autres. Les uns n’allaient pas chez les autres. Nous étions les témoins de la vie des deux côtés.

    Dans ces années-là, les reporters au long cours ont beaucoup vu, entendu, montré, fait entendre. Depuis une bonne dizaine d’années, ces questions qui fâchent étaient devenues de plus en plus rares sur les antennes françaises ou étrangères. Le conflit israélo-palestinien n’était plus censé intéresser l’opinion, il passait sous les radars. Si la curiosité ouvrait les archives de l’Institut national de l’audiovisuel – gardienne de la mémoire télé et radio en France – un constat s’imposerait : les médias ont pu traiter et diffuser les plus âpres aspects du face-à-face israélo-palestinien.

    Filmer, par exemple, en Cisjordanie, un connaisseur de l’histoire palestinienne et de la topographie des villes et villages. Cartes à l’appui, il décrivait les changements de noms arabes au profit de dénominations en hébreu : l’observateur nous expliquait le grignotage de la terre par la colonisation qui empêcherait la création d’un état viable à côté de celui d’Israël. À Gaza, notre interview avec un vieux monsieur, l’œil plein de haine, disait le but de sa vie : cheik Yassine, le fondateur du Hamas, réfugié de 1948, promettait, index pointé vers le ciel, de tout faire pour détruire l’État d’Israël. En contrepoint, à l’hôpital Hadassah de Jérusalem, le professeur Jean-Jacques Rein, spécialiste de la chirurgie cardiaque infantile, originaire de Mulhouse, affirmait que son service soignait les enfants musulmans comme les enfants juifs, sans faire de différence. Tableau idyllique ? Non, mais c’était une partie de la réalité à ne pas occulter. Lors des conflits sanglants, l’armée israélienne délivrait des autorisations de tournage à Gaza.

    Mémona Hintermann a été plusieurs fois envoyée spéciale en Israël pour France 3.
    Mémona Hintermann a été plusieurs fois envoyée spéciale en Israël pour France 3. France 3.

    Cette nouvelle guerre qui commence change radicalement la donne. La guerre se passe à huis clos. Avec le moins de témoins possibles, le moins d’images et de sons destinés au jugement du monde.

    Les horreurs effrayantes subies par le peuple israélien le 7 octobre nous rendront-elles sourds et aveugles ? Aller déraciner le mal, écraser le Hamas, comment donner tort aux Israéliens ? Comme Daech, comme tous les terroristes, il faut les mettre hors combat. Bon débarras. Enfin !

    Car, dès leur arrivée au pouvoir à Gaza, les islamistes ont clairement montré leurs visages. C’était en juin 2007. Au lendemain des affrontements ultra-violents avec l’autre branche palestinienne – le Fatha – nous avions découvert (avec un peu de ruse) des survivants gémissant à l’hôpital Al-Shiffah. Dans leurs lits, certains combattants parmi les vaincus pourrissaient de gangrène. Nous avons montré leurs genoux qui avaient explosé sous les balles du Hamas. Ils ne pourraient plus jamais se battre s’ils survivaient. L’œuvre de leurs frères.

    Dès les premiers jours, le Hamas avait imposé le port du voile à toutes, y compris à nous reporters étrangères. Ce ne sont pas des détails. Derrière la barrière militarisée érigée par Israël, une dictature éclosait. C’est là qu’il aurait fallu la mettre hors d’état de nuire et non miser sur une guerre fratricide inter-palestinienne. Depuis, malgré un blocus qui interdisait d’importer de la confiture ou des stylos dans l’enclave-prison à ciel ouvert – 42 produits de la vie courante étaient bannis d’importation à Gaza selon des ONG sur place – depuis, donc, la cocotte-minute s’est chauffée à blanc. Si le Hamas a choisi le terrorisme le plus immonde en espérant terroriser les Israéliens, il s’est trompé. Désormais, la cause palestinienne est tachée de sang de façon irréversible. Personne n’a oublié l’attentat meurtrier contre les athlètes israéliens aux JO de Münich en 1972, peu de personnes en Israël oublient les dizaines de victimes d’attentats, surtout les soirs de Shabbat, jusqu’à ce qu’un mur de 700 km promette de les protéger. Mais, en serrant les dents, une bonne partie de la société israélienne avait – un temps – admis l’idée de deux états séparés. Cette idée est-elle morte pour toujours ?

    Pour l’instant, d’autres priorités plus immédiates occupent l’attention. Se battre pour obtenir la libération des otages, tout faire pour empêcher la haine de nous monter les uns contre les autres, risquant de nous entraîner vers une guerre civile. En France vit la plus importante communauté juive d’Europe, en France vivent 7 à 8 millions de Français de culture musulmane. Le président de la République s’est posé en père de la nation, jeudi soir. Quoi de plus normal ! Ceux qui nient la nature terroriste du Hamas portent une lourde responsabilité. Le reste est plongé dans l’inconnu. Le brouillard sous nos yeux rappelle cette réflexion du président américain Harry Truman, adressée à un visiteur, à la fin de la guerre : « Vous pensez avoir les idées claires sur le Proche-Orient ? Vous devez être mal informé ! » Aujourd’hui, une idée doit être claire : ne pas tomber dans le piège mortel du terrorisme.

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    Author: Debra Olson

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